L'historique de cette production pourrait commencer comme le premier épisode: C'était il y a très très
très longtemps. 1966, vous pensez! En ce temps là il y avait l'ORTF : une seule chaîne en noir et blanc s'il
vous plaît, 819 lignes. Quel luxe! et pas de publicité.
En ce temps là, Jaques Rouxel en faisait, lui, de la publicité. Mais il en eut assez au bout d'un certain temps.
" Comment l'idée des SHADOKS vous est venue?" lui a-t-on souvent demandé. Mais les idées ne viennent pas, il faut aller
les chercher!
Là, la vraie idée de départ, c'était de faire des spots publicitaires sans publicité.
Plus exactement : des trucs très court, transposer à la télé le concept de "comic-strips" de journaux,
du genre "PEANUTS" dont il était fan. Rouxel, il faut le dire, avait passé une bonne partie de sa jeunesse aux USA,
d'où ce nom de SHADOKS à consonnance anglo-saxonne. Quant au dessin de ces bestioles, il existait depuis longtemps
dans ses tiroirs, attendant un nom.
En fait, si Rouxel s'était donné la peine, à l'époque, de consulter les encyclopédies,
il aurait vu qu'il a bel et bien existé, aux alentours de ... un certain Capitaine Shaddock qui a donné son nom à
un genre de gros pamplemousse de Malaisie.
Bref, telle était l'idée de base : des spots quotidiens de 30 secondes. Mais en réalité, cela ne s'est
pas fait exactement comme ça.
En ce temps là, il y avait le service de la recherche de l'ORTF. Pierre Schaeffer, le père de ce qu'on a
appelé la Musique Concrète, y faisait paître trois troupeaux de chercheurs : le Groupe de Recherche Musicale,
Le Groupe de Recherche Image qui expérimentait de nouveaux concepts d'émissions, Le Groupe de Recherche Technique qui
mettait au point de nouvelles machines à son et image.
Parmi celles-ci un certain "Animographe", une invention de Jean Dejoux, destinée à fabriquer du dessin animé
de façon rapide et économique. Mais économique elle l'était dans tous les sens, la machine !
Les animateurs devaient dessiner sur des bandes perforées de 70 mm de large. |
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Et comme ils ne pouvaient quand même pas dessiner dans les trous des perforations, cela leur laissait une surface de
5 sur 7 cm à tout casser ! Pas question de faire du Blanche-Neige avec ça ! Les petits dessins shématiques de Rouxel
tombaient bien. Ils étaient adaptés à la machine.
En cours de route, l'idée des spots de 30 secondes est abandonnée. On opte pour le feuilleton quotidien
à épisodes de 2 minutes en couleurs.
C'est là qu'entrent en scène Claude Pieplu et Robert Cohen-Solal qui se prennent d'affection pour les bestioles,
l'un par le ton inimitable qu'il donne au commentaire, l'autre par sa musique et ses effets cocasses. Ils ont contribué pour une
très grande part à faire prendre la mayonnaise et donner au feuilleton son originalité.
Sans oublier Jean Cohen-Solal qui fait parler les Shadoks dans leur langue.
Bref, cahin-caha et au gré des budgets disponibles, treize épisodes sont tournés. En fidèle
historien il faut dire qu'ils n'eurent pas tellement de succès auprès des directeurs successifs de l'ORTF à
qui le service de la Recherche essayait de vendre ses trouvailles. Jusqu'au jour de ce début 68 où un nouveau
directeur qui, comme les autres venait de faire ses provisions d'émissions fraîches dit "Ca j'en veux. Vous m'en
mettrez 52. On diffuse fin Avril". Emile Biasini, c'était lui le directeur clairvoyant auquel les Shadoks rendent un
vibrant hommage. Fin avril arrive. On diffuse une semaine... deux semaines. Tout de suite cela fait des vagues dans les foyers
paisibles, des très contents et des plutôt pas ! Et puis c'est le 13 mai avec les évènements qu'on
sait, plus d'essence, plus de train, plus de télé. La fin des Shadoks avait-elle sonné ? Non ! Miracle, en
Septembre ça repart. Et on peut dire que c'est le 13 mai qui a sauvé les travailleurs des Usines Shadoks, l'auteur
surtout. Sans ce répit, il n'aurait pas pu suivre.
Début 69, la deuxième série est mise en
production. Mais l'Animographe (c'était le fragile prototype) avait rendu l'âme. Or il était d'usage,
à l'époque de construire des prototypes rien que pour le plaisir. Après quoi ...!? On en revient donc
à la technique de dessin animé traditionnelle, mais pour être fidèle au principe Shadok "pourquoi
faire simple quand on peut faire compliqué" on a conservé à cette deuxième série le "look"
Animographe (couleur sur gélatine, éclairage par transparence notamment).
Dans ces trois séries
l'esprit est resté le même. Elles furent conçues pour être vues au rythme d'un épisode
par jour. Résumé des chapitres précédents, retour en arrière, rappels... sont monnaie
courante.